samedi 28 avril 2012

Rédaction d'une nouvelle fantastique et/ou science-fictionnelle

Me Audin nous a demandé de rédiger une nouvelle fantastique et/ou science-fictionnelle de deux pages maximum, dont la finalité serait le tableau Le Déjeuner sur l'herbe de Manet.


Autant que je m’en souvienne, j’ai toujours été attirée par la peinture, raison pour laquelle je suis devenue historienne de l’art. Je ne savais pas, à l’époque, que cette passion changerait ma vie. A tout jamais.
Tout a commencé un jour pluvieux de novembre, alors que je visitais une galerie d’art  d’Oslo. Ayant repéré un tableau de loin, je m’approchai et l’observai attentivement. Il s’agissait du tableau intitulé Solitude d’un peintre que j’aimais beaucoup : Paul Delvaux. Mon visage n’était plus qu’à trente centimètres de celui-ci lorsque la jeune fille représentée sur la peinture se retourna et me fixa dans les yeux. Son regard dégageait beaucoup de malice, et, après m’avoir fait un clin d’œil, elle reprit sa position initiale sur la toile. Je me tournai afin de vérifier si j’avais été la seule à remarquer que le tableau avait pris vie, et cela se confirma lorsque je remarquai que j’étais à présent seule dans la petite pièce. Je sentis qu’il fallait absolument que je sorte, que je reprenne mes esprits.
Après tout, j’étais tellement fatiguée ces jours-ci que j’avais sûrement rêvé. On m’avait diagnostiqué un cancer de la peau quelques mois auparavant, et j’avais à présent la sensation de vivre dans une bulle, étant très affaiblie par le lourd traitement qui devait rallonger ma vie de quelques mois. Avant de mourir, je m’étais fixé un objectif : voir de mes propres yeux les toiles que j’aimais le plus.
Le lendemain, je pris l’avion pour Figuéres, où je comptais visiter le musée consacré à Salvador Dali, l’un des plus grands peintres surréalistes. Je fus émue de voir ce magnifique bâtiment, et y entrai avec une grande impatience. J’avais rêvé de cet instant depuis tellement d’années ! Après deux heures passées à parcourir le musée, je trouvai enfin ma toile favorite : La tentation de Saint-Antoine. Tout à coup, je vis les éléphants bouger, retombant sur leurs pattes et me projetant des rafales de sable sur le visage. Je dus cligner plusieurs fois des yeux pour me débarrasser des petits grains qui s’y étaient incrustés. Je les rouvris et continuai à regarder cette toile qui s’animait devant moi. La jeune femme nue dansait à présent, comme si elle voulait s’offrir à moi. Gênée par cette scène, je fermai les yeux un moment en espérant que, quand je les rouvrirai, la toile serait redevenue inanimée. Ce fut le cas.
Je commençais alors à me poser plusieurs questions. Pourquoi ces toiles s’animaient-elles ? Pourquoi étais-je la seule à le remarquer ? Y avait-il un message caché ? Je rentrai à l’hôtel et m’endormis quelques heures d’un sommeil parsemé de rêves, de toiles qui s’animent et de questions.
A mon réveil, je bus un café noir et pris l’avion pour Paris. Aujourd’hui, j’avais rendez-vous au Musée d’Orsay, où je comptais voir Le Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet, peintre qui fut le sujet de mon mémoire. Arrivée à l’aéroport Charles de Gaulle, je pris ma valise et partis à la recherche de l’auberge dans laquelle j’avais loué une chambre. Arrivée là-bas, je fus rassurée de ne devoir passer qu’une nuit dans cette chambre sale, terne et minuscule. Je décidai de prendre une douche, de manger une tartine au jambon que je m’étais préparée avant de quitter l’Espagne et de fumer une cigarette. Je partis ensuite en route pour le musée.
Je payai l’entrée et me dirigeai directement devant cette toile. Le musée venant d’ouvrir, j’étais seule dans la salle où celle-ci était exposée. Je remarquai tout de suite cette femme nue, que j’avais déjà tant de fois observée, et qui me paraissait maintenant si réelle, si… vivante ! Et, en un instant, tout vacilla autour de moi. Ma tête tournait, j’avais la nausée et tout devenait flou. Je pensais alors faire un malaise, et ne me doutais pas de ce qui allait se produire une seconde plus tard. Je fus littéralement aspirée par la toile !
J’étais à présent penchée, tentant de me relever mais me sentant trop faible pour y parvenir. A ma droite, j’entendais des gens rire et discuter. Je tournai la tête et vis les personnages qui étaient présents sur la peinture que j’avais observée un instant auparavant ! La femme était nue, et semblait s’être offerte à l’homme qui se tenait à sa gauche, un noble dont un ami était également présent. Tous se retournèrent pour me regarder, un sourire ironique ornant leur bouche et ne semblant guère surpris de mon apparition.
La femme m’adressa la parole : « Eléonore, pensais-tu réellement pouvoir t’échapper ? ». Les souvenirs revinrent alors : j’avais déjà rencontré ces personnes, et nous avions été très proches lorsque nous n’étions encore que des adolescents rebelles.  Nous avions l’habitude de nous habiller de vêtements sombres, déchirés et cloutés et de nous maquiller afin d’effrayer les gens dans la rue, la nuit tombée. Souvent, Robert et Jean tenaient fermement notre victime dans une ruelle obscure, pendant que Marie et moi fouillions ses poches à l’affût de bijoux et d’argent. Celui-ci nous servait à nous procurer des drogues dures que nous nous injections chaque soir dans les veines. Tout semblait aller pour le mieux, jusqu’au jour où j’ai découvert, dans la poche d’un homme que l’on volait, un magnifique cutter. La lame brillait sous la lumière d’un lampadaire, et je ne pus refreiner une envie profonde : enfoncer cette arme dans son ventre et sentir son sang magnifiquement rouge et encore chaud se répandre sur mes mains. J’avais toujours rêvé de voir la vie quitter une personne qui me fixerait alors dans les yeux sans comprendre ce qui lui arrivait.

Revenant à l’instant présent, je ne pus alors m’empêcher de demander à Marie ce que nous faisions dans cette peinture. J’appris alors que, les prisons étant surchargées, des scientifiques étaient parvenus à trouver une solution : emprisonner les détenus dans des peintures. Si, par hasard, une personne présente sur la peinture reconnaît une personne qu’elle a connue et qu’elle sait coupable d’un délit, elle l’attire inexorablement dans le tableau, qui sera dès lors sa prison. Jusqu’à la fin des temps.



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