samedi 15 octobre 2011

Il était une fois Mourlevat et ses trois petits bijoux

Cher monsieur Mourlevat, si vous saviez comme vous m'avez fait rêver! Trois fois!
J'ai dévoré chaque livre et les ai aimés pour des raisons différentes.


ZOOM SUR CES PETITES PERLES

L'enfant Océan ou le Petit Poucet moderne


Dès le début, j'ai fait le lien avec le Petit Poucet de Charles Perrault. Tout d'abord, on retrouve deux citations du Petit Poucet de Charles Perrault: l'une au début de la première partie, l'autre au début de la seconde. De plus, quand l'assistante sociale reconduit Yann chez ses parents, une pancarte se trouve à l'entrée de la ferme. Il y est inscrit: "Chez Perrault". La petite taille de Yann et la solidarité de la fratrie ont fini de me convaincre qu'il s'agissait d'un Petit Poucet moderne.
La structure polyphonique du roman m'a beaucoup plue. Les personnages sont présentés, au début de chaque chapitre, comme s'il allait donner leur témoignage (nom, prénom, âge, profession). De plus, Mourlevat adapte le registre de langue à la personne qui parle. C'est très intéressant et bien pensé!

Après la lecture du premier chapitre, j'ai cru que le roman commençait par la fin, car l'assistante sociale a dit que c'était la dernière fois qu'elle avait vu Yann Doutreleau. J'ai alors cru qu'il lui était arrivé quelque chose avant... Quand j'ai lu que Yann habitait dans une ferme et que j'ai lu le chapitre dans lequel sa mère parlait, je me suis dit: "Yes, bienvenue à barakis land!".
 
Yann n'a cessé de m'émouvoir. Une phrase en particulier m'a touchée: "Alors Yann a fait quelque chose de très doux et de très tendre. Il m’a caressé la tête et les joues avec ses deux menottes". Cette émotion était décuplée chaque fois que l'un des personnages parlait de Yann avec pitié, en décrivant ses habits débraillés et sa maigreur. 
A la page 75, on apprend qu'il y aurait peut-être eu un malentendu... Yann aurait entendu son père dire qu'il voulait leur faire du mal... Or, il parlait de la nouvelle portée de chatons! Mais là, je suis dans le doute... En effet, pourquoi les parents iraient-ils déclarer la disparition de leurs enfants à la gendarmerie s'ils comptaient s'en débarrasser???

Une scène de la deuxième partie m'a particulièrement touchée... Il s'agit du moment où les pieds de Victor saignent. J'imagine ce petit enfant, marchant avec des souliers de dame qui le blessent et le font souffrir, et pleurant en silence par pudeur. Mais au chapitre suivant, j'apprends qu'il pleure car il a peur de ne plus pouvoir continuer et d'ainsi bloquer le groupe de frères. Et là, je me rends compte de la richesse du roman polyphonique! Grâce à ce type d'écriture, je me suis rendue compte que j'avais mal interpréter les pensées de Victor... C'est très intéressant que chaque personnage concerné ait voix au chapitre! (sans mauvais jeu de mots ;-) ).
J'ai été écœurée par M. Faivre et ai fait le lien avec la maison de l'Ogre dans le Petit Poucet de Charles Perrault. Quel monstre! Enfermer des enfants si jeunes, dans une maison sans électricité, sans eau, sans nourriture... C'est simplement ignoble! J'ai détesté ce personnage de toutes mes forces! 

Je dois cependant bien avouer que plusieurs scènes du roman m'ont faite éclater de rire, notamment celle avec la noire qui observe le manège des enfants lorsqu'ils volent les tickets de train ou Yann, posé sur le porte-bagages, tâtonnant à la recherche de nourriture. J'ai aussi ri quand le mari de l'assistante sociale, après que celle-ci lui ait raconté son rêve, lui répond: "C'est l'histoire du petit Poucet que tu me racontes là?".
J'apprends, à la fin du livre, que Yann avait bien compris que son père voulait tuer les chats, et pas eux... Je me suis alors sentie perdue... Quel était son but? Pourquoi avoir fait croire cela à ses frères?
J'ai été très déçue par la fin. Je trouve qu’elle est bâclée. Je reste sur ma faim... Dommage.

Quelques citations...
 
" Figurez-vous que monsieur veut faire le savant! Je le comprends d'un côté: ça fatigue pas et ça fait moins d'ampoules aux mains. Ça l'a pris à cinq ans, par là, quand on l'a envoyé à l'école, rapport aux allocations. Ses frères y allaient déjà, mais eux au moins y se mêlaient pas d'apprendre." (Marthe Doutreleau).

"Sept chatons encore aveugles, empêtrés les uns dans les autres, et qui criaient la faim. La mère ne devait pas être bien loin. Je me suis accroupi et je les ai observés un instant. Je suis de la campagne et je connais la musique: quand sept petits chats naissent dans une ferme, surtout une ferme comme celle-ci, leur espérance de vie est plutôt brève. Dans le meilleur des cas, c'est le chloroforme, le sac... et la rivière. Dans le pire, c'est deux coups de pelle, et un troisième si ça bouge encore." (Pascal Josse)

"On a vu que ses deux pieds étaient blessés dessus, ça faisait des barres rouges pas bien jolies. Il était rudement courageux de continuer comme ça. Par-dessus le marché, la brûlure des orties avait couvert ses chevilles de petites cloques blanches. Comme personne ne répondait, sa bouche s'est tordue et il a commencé à pleurer en silence. J'ai fait comme si je l'avais pas vu, et les autres pareil. De toute façon, on n'avait pas de quoi le soigner, alors ça aurait rimé à quoi de faire semblant? Dans ces cas-là, si on console, c'est tout de suite les grandes eaux. Il vaut mieux regarder ailleurs." (Max Doutreleau)

"L'idée m'est venue que cet enfant n'était pas réel, qu'il sortait tout droit d'un conte." (Jean Martinière, marin).


Référence: L'Enfant Océan, Jean-Claude Mourlevat, Pocket jeunesse, Paris, 1999.


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La rivière à l'envers - Tome 1: Tomek



J'ai beaucoup aimé ce roman de Mourlevat et ai adoré le prologue que voici:
" L'histoire que voici se passe en un temps où l'on n'avait pas encore inventé le confort moderne. Les jeux télévisés n'existaient pas, ni les voitures avec airbags, ni les magasins à grande surface. On ne connaissait même pas les téléphones portables! Mais il y avait déjà les arcs-en-ciel après la pluie, la confiture d'abricot avec des amandes dedans, les bains de minuit improvisés, enfin toutes ces choses qu'on continue à apprécier de nos jours. Il y avait aussi, hélas, les chagrins d'amour et le rhume des foins, contre lesquels on n'a toujours rien trouvé de vraiment efficace.
Bref, c'était... autrefois. "
Je ne peux m'empêcher de me dire: "Quel bonheur ce serait de pouvoir passer au moins une  journée dans ce monde!"

Un passage du livre (parmi tant d'autres) m'a marquée, car je m'y suis identifiée... Après la visite dans son épicerie d'Hannah, au début du livre, Tomek regrette de lui avoir fait payer le sucre d'orge. Il imagine alors qu'il aurait pu lui dire: "Rien du tout, vous ne me devez rien du tout", ou "Je vous en prie... Pour un sucre d'orge..." Je suis comme Tomek... Moi aussi, je prends toujours des moments pour réfléchir à ce que j'aurais pu mieux faire, aux paroles ou actes que j'aurais du avoir dans telle ou telle circonstance et auxquels ne n'ai pas pensé immédiatement.

J'ai adoré l'idée de la Forêt de l'Oubli. Quelle belle trouvaille!
J'ai également aimé que Marie et Bastibalagom racontent leur histoire. A ces deux moments précis, j'ai été émue comme je l'avais déjà été lors de la lecture de l'Enfant Océan. Mourlevat semble avoir le don d'émouvoir, donc... !
Mais pendant la lecture de ce roman, j'ai également ri ! Notamment, lorsque Mourlevat fait référence à l'Enfant Océan (au moment où Tomek a respiré le parfum des fleurs qui fait halluciner)... Voici le passage concerné:
" Passèrent ensuite six garçons jumeaux qui en portaient un septième dans un sac de toile. Tous marchaient vers l'ouest.
- Salut, les gars! leur lança Tomek, hilare.
Ils ne répondirent pas et le dernier lui jeta même un regard noir qui signifiait: "Tu veux mon portrait?" "

      J'ai été très émue par le fait que Hannah fasse un tel voyage pour sauver son oiseau, qui représente la période où son père vivait encore et où, chaque semaine, il lui demandait, sur le marché: "Quel oiseau veux-tu, Hannah? Lequel te ferait plaisir?"
J'ai été charmée par l'idée que des parfums pouvaient faire imaginer des instants agréables. J'aimerais en avoir quelques fioles :-)

Le livre se termine avec quelques questions fondamentales:
      - Est-ce qu'on peut vraiment souhaiter ne jamais mourir?
      - N'est-ce pas justement parce que la vie s'achève un jour qu'elle nous est si précieuse?
      - Est-ce que l'idée de vivre éternellement n'est pas plus effrayante encore que celle de mourir?
      - Et si l'on ne meurt jamais, alors quand reverra-t-on ceux que l'on aime et qui sont déjà morts?
 Quelques citations...

" Je n'ai jamais de travail, je te l'ai déjà dit. Jamais de repos non plus. Tout ça, c'est juste la vie qui passe..." (Icham)

" On se doutait bien que la terre était ronde, mais beaucoup de gens n'en étaient finalement pas si convaincus. "Si la terre est ronde, disaient-ils, est-ce que ceux qui sont en-dessous ont donc la tête en bas? Et s'ils ne tombent pas, est-ce parce qu'ils sont collés par leurs semelles?""

" - Mais dites-moi, demande-t-il enfin, vous ne fabriquez que des odeurs agréables?
- Oh oui, bien sur, répondit Pépigom. La vie est trop courte, monsieur Tomek, pour qu'on la gaspille à de mauvaises choses. "


Référence: La rivière à l'envers, tome 1: Tomek, Jean-Claude Mourlevat, Pocket jeunesse, Paris, 2000.

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La ballade de Cornebique ou la fabuleuse histoire d'un bouc, d'un loir et d'un coq...


Ce roman m'a autant fait rire que le Bon Gros Géant de Roald Dahl l'année passée! Je me suis amusée, oui oui, amusée, à lire ce livre! Les jeux de mots sont délicieux, le langage familier est très drôle ("S'en mettre plein la panse", "Il va se geler les côtelettes") et les moments de tendresse entre Cornebique et Pié sont émouvants au possible.

Tout commence quand une cigogne laisse tomber le paquet qu'elle porte et que celui-ci atterrit dans les bras de Cornebique (passage qui me fait penser au dessin animé Dumbo, lorsque les cigognes laissent tomber des paquets contenant les bébés animaux dans les bras des parents de ceux-ci). Quelle surprise lorsque notre petit Cornebique adoré y trouve un petit loir endormi! Entre eux va naître une grande complicité et une relation emplie de tendresse. Seulement, Pié (le loir, donc), a les Fouines (alias les Griffues) aux trousses! En effet, il est le dernier loir mâle... Les Griffues veulent alors le kidnapper afin qu'ils se reproduisent avec la dernière loir femelle. Ainsi, les Griffues pourront continuer à dévorer du loir... Un soir, ces vilaines parviennent à kidnapper Pié, et Cornebique partira à sa recherche avec son nouvel ami, un soi-disant médecin nommé Adolphino Lem, un coq amnésique. J'ai beaucoup aimé ce personnage "médecin" qui ne sait même pas prononcer les noms de maladies ou d'os correctement (la fameuse rostule = rotule, asmatique = amnésique, sesternum = sternum, oskiput = occiput...). Il en vient même à inventer des maladies qui n'existent pas, comme la péritonite de la fesse! Ce personnage me fait penser au Malade Imaginaire de Molière.

Je tiens à souligner qu'un passage m'a fait pleurer de rire... Le voici:
- Bien entendu que je parle à ma chaussette. Pas toi?
- Non.
- Jamais?
- Jamais.
- Tu as tort. Il faut toujours parler à ses chaussettes. Sinon elles se vengent.
- Ah... Et comment?
- Elles puent.

Petit clin d'oeil que j'ai trouvé sympathique aussi: Cornebique porte le numéro 27 lors de la course, et la Grand-Mère griffue a 27 médecins.

En résumé, je conseillerais ce livre à des enfants, des ados mais aussi des adultes! Cette lecture fut un vrai BON moment de plaisir, une bonne partie de rigolade... Oh oui, merci, Mr Mourlevat !

Une petite citation pour la route...

" Décidément, pense Cornebique, se rappelant ses longs monologues avec Pié endormi, décidément: ce que j'aurai dit de mieux dans ma vie, c'est à des gens qui pioncent! "


Référence: La ballade de Cornebique, Jean-Claude Mourlevat, Gallimard jeunesse, 2009.




Et pour finir... Voici une des fameuses chansons de Cornebique...




3 commentaires:

  1. Cécile, il faut que tu changes la couleur de "x commentaire", le lien pour pouvoir ajouter un commentaire... en jaune, on ne le voit pas sur ton interface.

    Outre cette petite première remarque, j'apprécie tout particulièrement ton implication dans la lecture des romans de Mourlevat... des remarques sensées, des hypothèse de lectures intéressantes et des citations judicieuses et émouvantes...

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  2. lenfan océan combien de jumeau

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