Virus L.I.V. 3 ou La mort des livres, le roman qui n’aurait
probablement pas existé sans Bradbury…
Christian
Grenier, écrivain français, nous propose un livre inspiré du célèbre roman Farenheit 451 de Ray Bradbury. Outre cet
« hommage », l’auteur pose une question actuelle : « Les
écrans menacent-ils l’écrit ? »
Allis, une sourde et muette, vient
d’être élue quarantième membre des Voyelles, un groupe de Lettrés. Son livre
« Des livres et nous » vient de paraître et connaît un réel succès,
notamment grâce à ses idées provocatrices. En effet, dans celui-ci, elle démontre
que les écrans ne sont pas les ennemis de l’écrit, idée originale et audacieuse
vu qu’elle vient d’une Lettrée, supposée être anti-écrans. Allis se verra
attribuer une mission par les Voyelles : tenter de démasquer qui a inventé
le Virus L.I.V. 31 (Lecture Interactive Virtuelle), où il a été mis
au point, et s’il existe un antidote. Le groupe des Zappeurs est suspecté, et
Allis ira enquêter sur leur territoire, dans la Zone des Zappeurs Zinzins. Elle
y rencontrera le fils d’Emma, une autre Voyelle, et s’apercevra qu’elle le
connaissait déjà, sous un autre pseudonyme…
Virus L.I.V. 3 ou La mort des livres est un roman dystopique qui s’adresse
à la jeunesse, principalement aux deux premières années du secondaire. La
lecture est fluide, mais comporte cependant quelques difficultés. Par exemple,
les abréviations2 truffent ce roman, et, malgré la présence d’un
lexique à la fin de celui-ci, le jeune pourrait se sentir déboussolé car les
mots que représentent celles-ci ne sont pas toujours écrits tels quels dans le
livre, obligeant le lecteur à avoir recours au lexique fréquemment.
De plus,
certains passages du récit sont parfois niais, comme le moment où Allis,
l’héroïne, déclare : « Emma ne
ressemblait en rien à ma mère. Mais à ce moment-là, je crois que j’aurais aimé
être sa fille. » Notons qu’Allis ne connait Emma que depuis quelques heures
quand elle déclare cela ! Le nom des auteurs du Virus L.I.V. 3 peut
également paraître enfantin, mais certains adolescents le trouveront sûrement
amusant : ce sont les Zappeurs Zinzins.
Lors de la
lecture de ce livre, il est impossible de ne pas remarquer les nombreuses
allusions au roman dystopique de Ray Bradbury, Farenheit 451. Dès la première page, l’auteur écrit une dédicace
adressée à Bradbury : « To Ray Bradbury, of course3 ».
Dès lors, le ton est donné (celui-ci étant déjà amené par le titre qui fait
directement penser à ce célèbre Farenheit
451, dans lequel les pompiers ne sont plus chargés d’éteindre les
incendies, mais de brûler les livres, qui sont désormais interdits). Autres
références à ce roman : le code d’accès d’Allis est F451, et c’est en
plongeant dans l’histoire du livre qu’elle sera délivrée de sa geôle.
Notons
également que le message de ces deux romans est d’ailleurs comparable :
dans le roman de Bradbury, les livres sont détruits car ils entraînent un
questionnement qui pourrait mener au malheur, et, dans celui de Grenier, les
livres divisent les gens, car ils ne sont pas accessibles à tout le monde.
Grâce au Virus L.I.V. 3, tout le monde peut à présent lire, et cela met les
gens sur un pied d’égalité. Un passage du livre illustre cela :
lorsqu’Allis dit à Sonn que les livres meurent, ce dernier lui répond :
« Non. Ils se transforment. C’est
différent. Ils deviennent de véritables mondes accessibles à tous. »
Et celui d’ajouter : « Vous
croyez que je combats les livres ? Au contraire : j’ai voulu les
rendre accessibles au plus grand nombre ! »
Dans ce
roman, Christian Grenier pose une réelle question actuelle : Les écrans
(ordinateurs, télévisions, etc.) menacent-ils l’écrit ? Actuellement, les écrans sont omniprésents
dans notre société, que ce soient des ordinateurs, des télévisions, ou encore
des jeux vidéo, et il semble que la population délaisse l’écrit pour ces
technologies. L’écrit meurt-il pour autant ? Il serait faux d’affirmer que
les livres ne sont pas menacés, surtout depuis qu’ils sont en vente sous une
forme électronique, plus pratique et moins onéreuse que la version papier. Quel
sera l’avenir des livres ? Deviendront-ils tous électroniques ?
Perdrons-nous un jour la possibilité de manipuler un livre en papier ? Il
convient de s’interroger quant à ces éventualités, qui pourraient transformer
notre société. Ne perdons cependant pas de vue que les écrans, et les médias au
sens large, peuvent enrichir l’écrit, et l’illustrer (pensons à ces adaptations
cinématographiques de livres tels que Twilight,
Harry Potter ou encore Hunger Games, qui ont rendu accessibles à tous des
histoires dont les jeunes et adolescents parlent souvent entre eux, et
desquelles certains pairs pouvaient se sentir exclus, étant des lecteurs
malhabiles, ou n’aimant pas lire, tout simplement). Les écrans, dans ce sens,
ne contribuent-ils pas à rendre la littérature accessible à tous ? Comme
le dit si bien Sonn dans le roman : « Pourquoi s’obstinent-ils à croire que la culture ne passe que par
l’écrit ? »
Les livres ne
sont cependant pas les seuls menacés, car l’écriture en elle-même tend aussi à
disparaître. Qui rédige encore des rédactions sur papier ? La plupart des
professeurs demandent qu’elles soient tapuscrites. La technologie s’installe
d’ailleurs dans les écoles de plus en plus couramment, notamment par le biais
des tableaux interactifs, ceux-ci permettant aux enseignants de projeter leur
cours. Qu’adviendra-t-il, dans quelques décennies, du geste graphique ? Le
débat peut cependant être controversé, car tout le monde devrait s’adapter à
notre société qui évolue de plus en plus vite, et il ne serait pas enrichissant
d’être totalement réfractaire à ces technologies qui nous donnent plus de
moyens qu’auparavant, ce serait-ce qu’au niveau de la mise en page et des
documents mis à notre disponibilité. Il conviendrait plutôt de s’y intéresser,
afin de rester intégré à la société. Dès lors, les cours d’informatique et d’éducation
aux médias ont une place plus que légitime dans les écoles. La meilleure
solution semblerait d’alterner les activités proposées aux jeunes : tantôt
écrire à la main, tantôt à l’ordinateur. Il en va de même pour les
enseignants : pourquoi ne pas donner un cours tantôt via tableau
interactif, tantôt en écrivant au tableau noir ?
Ce livre
permet donc de poser des questions quant à notre société actuelle, et pourrait
alimenter de nombreux débats avec de jeunes adolescents. Un petit bijou, à lire
dès que possible !
1 Ce virus se propage d’un livre
contaminé au lecteur, et du lecteur aux livres qu’il lira par la suite. Lors de
la lecture, le lecteur est plongé dans l’histoire, et peut être passif ou
actif, pouvant aller jusqu’à dialoguer avec des personnages. Au fur et à mesure
de la lecture, les mots s’effacent. Notons qu’il en va de même pour
l’écriture : à peine rédigés, les mots disparaissent.
2 AEIOU pour Académie Européenne des Intellectuels
Officiels Unis, B.C.B.G. pour Big Computer Bill Gates, JOEL pour Journal Officiel
de l’Europe des Lettres, etc.
3
« A Ray Bradbury, bien sûr ».
Source
Virus L.I.V. 3 ou La mort des livres, Christian Grenier, Hachette, Le
Livre de Poche Jeunesse, 1998.
C. B. ■